• Chloé Delaume — Les mouflettes d'Atropos

    Les mouflettes d'Atropos


           

    Titre : Les mouflettes d'Atropos

    Auteure : Chloé Delaume

    Première parution : 2000

    Édition lue : Folio

    SYNOPSIS

     « Voyez-vous, avant, j'étais prostituée. Depuis, j'ai passé mon Capes. Histoire d'avoir une protection sociale. J'ai eu l'enfance des orphelines. On ne peut pas dire que ce soit gai. Le bonheur non plus, remarquez. Ça dépend d'où vient le plaisir. Mais tout ça reste relatif. Moi j'en aurais des choses à dire sur l'innocence écrabouillée le manque d'amour vrillant l'ulcère l'éternel retour suicidaire la crainte irrationnelle des hommes et l'influence du CAC 40 sur le prix du kilo de navets. Mais je me tais. MOI. Voyez-vous. Je m'astreins au silence. Et c'est très compliqué. Ma logorrhée sismique je la rumine avec l'application d'une charolaise traînant sabots aux portes des vieux abattoirs. Parce qu'il faut être patiente. Et quand sonnera le glas je serai attablée. On ne vous a pas appris la ruse. Guêpières talons aiguilles sécateur enroulé d'un mouchoir de soie caché au fond du sac Kelly. A chacun son Hermès. Trismégiste ou Saint-Honoré. Ça dépend des faubourgs. »

     

    Chloé Delaume, de son vrai nom Nathalie Dalain, née à Versailles le 10 mars 1973, est une écrivaine française. Elle est également éditrice et, de manière plus anecdotique, performeuse, musicienne et chanteuse. Son œuvre littéraire, pour l'essentiel autobiographique, est centrée sur la pratique de la littérature expérimentale et la problématique de l'autofiction. En 1983 se déroule à Paris le drame familial qui hantera toute son œuvre : alors qu'elle n'a que 10 ans, son père tue sa mère devant ses yeux puis se suicide.

    Il s'agit du premier roman de Chloé Delaume, que j'ai lu dans la version Folio de deux cents pages environ. Le style est toujours le même, on a des cassures, des phrases écrabouillées, des morceaux poétiques, des bribes, des pensées, des éléments autofictionnels, une sempiternelle recherche de l'original, avec déjà les qualités qu'elle n'aura de cesse de développer plus tard dans ses autres romans : le cynisme, la cruauté, l'humour décalé.

    « C'est amusant la haine quand même. ça crée des liens. ça va faire un vide quand on vous aura finie. C'est étonnant aussi la haine, voyez-vous. Moi j'ai tellement de haine. Tellement de haine à l'intérieur. Que je me demande souvent comment un si petit corps peut en contenir autant. C'est vrai. Combien elle peut bien peser toute cette haine. Je me demande souvent. Alors je monte sur ma balance. Et je lis 54 kg. Et je me dis que c'est bien peu 54 kg, pour toute cette haine. Pour toute cette haine si lourde. Tellement plus lourde que ça. »

    J'ai eu plus de mal sur celui-ci, après une lecture très colorée, mouvementée et marquante de Le cri du sablier. Le tout m'a paru identique, mais en moins appliqué, moins phonétique, fin, recherché, moins bien agencé peut-être, plus lourd, ennuyeux, redondant ; et, surtout, plus graveleux. Le sujet étant assez spécial : l'auteure se met en scène, la voilà prostituée. Elle décrit à travers des propos très licencieux ses aventures, ses clients, ses problèmes, ses intensions, ce qui se passe dans sa tête. Tout est chamboulé. Elle ne sait pas vraiment où aller. Elle va cependant.

    « Possession éreintante infinie. Pérennité de la souffrance. Cristaux déliquescents de rage. Acuité des mouvements accrue. Mécanique moribonde du coït annoncé. Chronique rut barbare virité-jacule. Rejet Marie-Madeleine. Combien de sourires sycophantes. Comme la fourchette d'argent que la Merteuil s'enfonçait sous les ongles en crânant. Combien de supplices Ultrz Brite. Combien de fossettes fossoyeur. Non ça ne peut pas se calculer. Calculez, putains, calculez. »

    La langue est plus brute, dure, vulgaire et le style en perd beaucoup, je trouve. Néanmoins, on reste dans un domaine très original, ce terrain où elle s'installe — il faut le rappeler — tout juste, cette pluie qui commence à peine de tomber sur une littérature hébétée, qui semble ne pas comprendre, ne pas vouloir comprendre, qui ne s'expliquera pas. Les références pullulent étrangement, mais l'histoire est à mon sens moins intéressante en ce sens que l'on s'éloigne de l'histoire initiale, de l'autofiction pure — bien que Chloé Delaume tende justement à s'en dégager, à créer ce qui sera qualifié par Fabrice Thumerel d'alteregographie, un terrain neuf, justement, inimitable, inconnu de tous jusqu'à la divulgation de son histoire à travers les romans.

    « Elle s'intégra dans une sympathique communauté beatnik du Lubéron, dont les principales activités consistent en la concoction de fromages de brebis, la fabrication de tongs en osier, l'apprentissage de l'art complexe du macramé, et le culte du dieu Zorglobe, entité crystoastrale de la planète Xyploub, venue sur terre afin de sauver une poignée d'élus de l'Apocalypse, grâce à un rituel de purification intertemporel, résidant en l'introduction quotidienne d'une botte de poireaux transgéniques dans l'orifice anal des fidèles. »

    Un récit qui m'a semblé long, et c'est la première fois avec cette auteure. J'ai été plutôt déçu et, le livre fini, j'aurais volontiers vomi ces lignes un peu trop crues à mon goût ; pour le style déployé, j'entends. Il fallait que je m'en dégage, c'était assez compliqué. Ce n'est pas un livre que je recommande, comparé à ce dont j'ai pu parler jusqu'à présent.

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :