• Des réformes orthographiques ; de la crédulité.

    RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE

    Aberrant ? Certes. Inquiétant ? Absolument pas.

     

    Quelque illuminés que soient les instigateurs de ces prétendues réformes, de ces actes de loi — comme si l'orthographe dépendait de lois, malheureux ! — sans queue ni tête, disposés, selon toute vraisemblance, à effacer d'un revers de main l'histoire même de la langue française ; quelque éplorés que soient leurs lecteurs, je me désole toujours autant de constater la crédulité générale — et davantage maintenant qu'elle se trouve relayée par les réseaux sociaux et autres calamités technologiques —, comme quelque naïveté si pharaonique qu'elle dégénère, et je voudrais, puisque cela m'est permis, faire passer le message qui suit.

     

    Non, ce ne sont pas quelques hommes qui décident ad libitum de l'orthographe à employer, d'une part parce que personne ne suivra ces réformes, d'autre part parce qu'elles n'ont aucun pouvoir sur la langue en ce qu'elles ne sont et ne seront effectivement pas assimilées. Toute étymologie a un sens, une explication, quoique l'on n'en connaîtra jamais la subtilité dans son entièreté, ce qui du reste est tout à fait naturel, évident tout autant que passionnant. Tout mot a sa trace et l'on n'éponge pas l'encre des moines copistes distillée sur des siècles entiers ; on ne peut jeter les chairs textuelles de la guerre, partie intégrante et intégrée de notre société, incrustée — hélas ! — ; on ne peut ignorer la voix cave des racines qui s'attachent ; tout cela ne se peut avec une réforme. C'est ubuesque, dérisoire de croire que cela aura quelque répercussion que ce soit. Il faut arrêter de s'abaisser au niveau de ces textes qui périront bientôt dans les flammes des ans, alors que l'orthographe raisonnée, logique, persistera — au grand dam des illettrés, mais il faut comprendre que c'est là la cinquième roue du carrosse linguistique ; une bonne fois pour toutes, arrêtons de nous voiler la face : il n'attendra personne.

     

    Non, l'accent circonflexe n'est pas voué à disparaître, du moins certainement pas du fait d'un soubresaut soi-disant intellectuel. Je vous le demande : qu'est-ce qu'un intellectualisme qui piétine toute une civilisation pour se faire plus accessible ? Je doute que l'on attende des mathématiques qu'elles se plient aux ordres de ceux qui n'y comprennent rien. Il serait bon de méditer sur cela avant de vouloir réformer l'orthographe.

     

    De facto, non, les orthographes ne changeront pas ainsi ; en aucun cas on ne s'enferrera dans le décharnement meurtrier de la langue. L'orthographe est une norme, cette norme un phénomène évolutif à long terme et dont par conséquent les résultats ne s'observent pas instantanément. J'aurais envie de prendre l'image de l'enfant observant son gâteau cuire, mais c'est évidemment une lubie calamiteuse que de se croire investi de l'évolution de l'orthographe. L'homme n'a aucune prise sur sa langue ; seule la masse d'hommes y peut, et l'on sait bien, depuis la tour de Babel, que cette masse est aussi informe que désordonnée...

     

    Plus sérieusement, m'est avis que l'argument social est audible et pourtant irrecevable. S'il y a des disparités dans les niveaux en orthographe en France, cette constatation ne peut être totalement enfantée par la seule difficulté de la langue. Il n'en ressort par moins que le français est une langue et que les Français sont censés savoir la lire et l'écrire. Ce n'est pas en charcutant ses bases — très fragiles, précieuses — que l'on y fera grand-chose, d'autant plus que cela revient à proposer des variantes orthographiques diverses et encombrantes pour l'écriture d'un seul mot. Je m'interroge alors : en quoi cela peut-il aider ceux qui ont des difficultés avec l'orthographe ? Je regrette, mais autoriser trois, quatre, cinq orthographes pour un seul mot, ce n'est pas aider une personne à choisir la bonne, cela revient uniquement et je dis bien uniquement à détruire l'aspect normatif de l'orthographe ; là est l'aberration. N'est-ce pas plutôt à l'éducation d'être revue ? à ses accès d'être renforcés ? à sa fermeté stricte mais claire d'antan d'être à nouveau envisagée comme vecteur d'un travail salutaire aux enfants tout particulièrement ? Enfin, il est évident que c'est au Français de s'adapter à la langue et non à la langue de s'adapter au Français. Un peu de bon sens ne serait pas de refus. Néanmoins, je le répète, ce n'est que du vent — et fort heureusement.

     

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :