• Nathalie Sarraute — Ouvrez

    Ouvrez


             

    Titre : Ouvrez

    Auteure : Nathalie Sarraute

    Première parution : 1997

    Édition lue : Gallimard ; coll. Blanche.

    SYNOPSIS

     « Des mots, des êtres vivants parfaitement autonomes, sont les protagonistes de chacun de ces drames.
    Dès que viennent des mots du dehors, une paroi est dressée. Seuls les mots capables de recevoir convenablement les visiteurs restent de ce côté. Tous les autres s'en vont et sont pour plus de sûreté enfermés derrière la paroi.
    Mais la paroi est transparente et les exclus observent à travers elle.
    Par moments, ce qu'ils voient leur donne envie d'intervenir, ils n'y tiennent plus, ils appellent... Ouvrez. »
     

     

    Nathalie Sarraute, Natalia (Natacha) devenue Natalie Tcherniak née à Ivanovo-Voznessensk, en Russie, le 5 juillet 1900, morte à Paris le 19 octobre 1999, est une écrivaine française d'origine russe. Elle a reçu le Prix international de littérature pour son roman Les Fruits d'Or écrit en 1963.

    C'est un article de Libération, je crois, qui qualifiait les protagonistes de cette histoire — peut-on parler de protagonistes ? peut-on parler d'histoire ? — d'« animots ». Tout y est donc. C'est l'histoire de deux camps de mots. L'un est dehors. L'autre est dedans. Dans cette paroi, cette prison, parce qu'inutiles ou trop dangereux. Le roman en son intégralité est une suite de dialogues — au diable les incohérences ! ce ne sont pas des dialogues —, d'échos sinon, de voix du moins, qui fusent de partout, avec de petits points de suspension, comme si le tout était un fil infini... qui s'arrête à chaque chapitre avec un point net. Nathalie Sarraute prend le parti des enfermés, des exilés, des rejetés. Ils complotent. Ils écoutent. Ils attendent. Ils crient : ouvrez !

    « Il n’y a pas une minute à perdre, il faut qu’on sorte… tout de suite… C’est vraiment un cas de non-assistance à personne en danger. »

    Cette écriture expérimentale est parfois ardue à suivre, mais les mots bercent. C'est une sorte de mise en abyme, puisque ce sont des mots qui dansent à travers des mots, et donc tout explose... Tout paraît si simple au commencement, enfin tout le long de l'ouvrage en réalité, mais je sous-entends : au moment où l'on ne s'est pas encore habitué à l'écriture ; ensuite, on commence à se poser des questions, à réfléchir, à analyser. Il y a perpétuellement des jeux : les mots réfléchissent à la place qu'ils doivent prendre pour former des messages, en fonction de ce qui se passe de l'autre côté, de ce qu'ils voient à travers la paroi. Des morts, des cris, des rires, des gémissements, qu'ils interprètent, tentent de reproduire, parfois vainement.

    « — Une forteresse ? Quelle forteresse ? Vous savez, vous, ce que c’est ?
    — Non…
    — Eh bien moi je sais. J’en ai déjà vu. Ça s’appelle : ‘‘La parole donnée.’’
    — Les pauvres, un beau jour, ils s’y sont laissé prendre. S’ils avaient imaginé où ça pourrait les mener… La réclusion à vie. Des vœux perpétuels.
    — Vous croyez que s’ils avaient su, ils auraient refusé ?
    — Ça m’étonnerait. Personne n’y résiste… Un beau jour, on leur dit : ‘‘Je vais vous le confier, à vous. Mais vous me promettez, jamais un mot à personne… Vous me donnez votre parole ? — Bien sûr, voyons.’’ Et le tour est joué : ils sont pris dans ‘‘La parole donnée’’. »

    Une boucle sans fin de réflexions abracadabrantesques sur la vie, sur les lettres ; un spirale de réalisme macabre mais drolatique, presque rassurant. Avec quelques traits effrayants. C'est très atypique comme lecture, d'une singularité déconcertante, si bien que l'on se demande parfois à quoi on a affaire.

    « — Une invasion de quoi ?
    — Attendez donc, vous empêchez de bien entendre... C'est ça, c'est des contrevérités. Pas un mot de vrai.
    — Et ces mots-là, ça a une force...
    — Eh oui, des produits fabriqués de toutes pièces, des modèles bien éprouvés... c'est toujours plus résistant. Difficile de les ébrécher ou de les fêler... c'est d'un dur...
    — Quand on arrive à les faire tomber, ils se redressent, les voilà debout de nouveau comme si de rien n'était. »

    Cela se lit très vite, c'est entraînant. Quelques passages sont énigmatiques, restent à l'esprit inexpliqués... Or rien n'est lié dans le récit. Le goût de Nathalie Sarraute pour l'anticonformisme romanesque transparaît totalement dans cette œuvre, la toute dernière de sa vie, publiée deux ans avant sa mort alors qu'elle était âgée de 97 ans. Il faut vraiment l'avoir ouvert pour savoir et — peut-être — avoir l'occasion de comprendre...

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