• Pourquoi sont-ils si faibles ?

    XXIII - IX - MMXV

    Lorsque les lignes et les yeux se rencontrent, qu'importe l'état, qu'importe le lieu, qu'importe les circonstances, qu'importe la raison, se déroule une réaction peu descriptible qui lie les objets — deux objets liés ne réagissant ou n'agissant pas nécessairement ensemble. Les lignes constantes, les yeux uniques ; un mélange qui pourrait s'imager ainsi : les premières attirent les seconds qui y portent une nouvelle attention, puis les seconds attirent les premières qui semblent ne pas réagir, ce qui entraîne une déflexion de l'ensemble.

    Lire, c'est accepter cette suggestion d'apparence anodine : les mots sont faibles. Et les mots sont d'autant plus faibles qu'ils peuvent ne pas produire les effets médiocrement décrits plus haut. Pourquoi ont-ils été médiocrement décrits ? Parce que les mots sont faibles. Pourquoi les mots sont-ils faibles ? Parce qu'une faiblesse a été définie et qu'elle demeure comme telle jusqu'à ce qu'elle disparaisse des usages. Une faiblesse autre, reconnue alors, prendra sa place ; son sens se sera quelque peu distordu, mais l'unique solution à cette équation du langage restera dans l'ombre d'un fait plus gargantuesque encore : qu'est-ce qu'affirmer par les mots que les mots sont faibles ? Une dénonciation, si l'on omet sa forme, ne saurait être faible. En effet, les mots paraissent opulents ; ils peuvent effrayer, mais ils ne sont qu'un passage, une voie inventée, si ce n'est un détournement, une solution de facilité. Comme toujours, on a eu besoin d'user de leurs influences, de leurs fonds ; pour en dire que la forme, sans doute aucun, se trouverait bien molle si l'on avait à en analyser les composantes.

    Avoir peur des mots, c'est avoir peur de son ombre. Une ombre pandémique, subordonnée, trouée, dépendante, grinçante, méprisable, tellement méprisable que l'on ne peut la mépriser, si ce n'est avec des mots. On ne peut se mépriser. On ne peut mépriser son ombre. On la trouve pratique et désintéressée, mais elle nuit, nous suit comme un chien. Les mots cependant ne sont pas faibles pour rien. Ils nuisent certes mais, bien employés, luisent. Une lumière en ce sens louable d'intensité pardonnable, puisque l'éclat contient ce dont nous avons besoin : mensonge, persuasion, débilité, démagogie.

    A-t-on besoin des mots ? Oh, mais vous semblez oublier que nous sommes bien plus faibles qu'eux.

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  • Commentaires

    1
    Mathilde de AL
    Mercredi 11 Novembre 2015 à 18:56

    Magnifiquement bien dit.

      • Mathilde, encore
        Mercredi 11 Novembre 2015 à 18:59

        Je pense que je vais l'imprimer celui-ci.

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