• Série Beckett — Le monde et le pantalon


    Le monde et le pantalon suivi de Peintres de l'empêchement

    ★ ★ ★ ★ ★

    1989 — * Le Monde et le pantalon. Écrit au début de 1945, à l'occasion des expositions d"Abraham et de Gerardus van Velde respectivement aux galeries Mai et Maeght. Première publication sous le titre La Peinture des Van Velde ou Le Monde et le pantalon, dans la revue Les Cahiers d’Art, 1945-1946, avec six reproductions noir et blanc d’Abraham van Velde et neuf de Gerardus. Son titre vient d’une plaisanterie reprise en 1957 dans Fin de partie et cité en exergue :
     
    LE CLIENT : Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois.

    LE TAILLEUR : Mais, Monsieur, regardez le monde, et regardez votre pantalon.

    * Peintres de l’empêchement. Article sur Bram et Geer van Velde. Première publication dans la revue Derrière le Miroir, n°11-12, juin 1948.

    À travers sa plume toujours déroutante, Beckett adopte ici un ton plus sérieux, plus penseur, plus ouvert, de mon impression : on est moins enfermé dans une boucle de déflagrations textuelles, dans un monde parallèle. Il apporte des réflexions sur l'art, des réflexions précises, arguées, appuyées, répétées, plus particulièrement sur la peinture, le rapport à la subjectivité : en début d'ouvrage, il explique que ce qu'il va dire ne regarde que lui et, ne se prenant qu'à demi au sérieux, il continue sur cette lancée en qualifiant son propos de « défiguration verbale » :

    « Ce qui suit ne sera qu'une défiguration verbale, voire un assassinat verbal, d'émotions qui, je le sais bien, ne regardent que moi. Défiguration, à bien y penser, moins d'une réalité affective que de sa risible empreinte cérébrale. »

    Il n'y a donc pas de mauvaise peinture : tout est affaire de goût. Ce combat que mènent, selon lui, les frères van Velde, par le biais de la peinture et de l'interprétation qu'ils en font — celle de privilégier la condition humaine dans son état sobre, totalement dénudé, sans outillage aucun — a attrait à celui qu'il mène lui-même par le biais de la littérature. Ainsi, il n'est pas de mauvais livre : tout est affaire de goût... Toute cette plaidoirie peut ainsi s'interpréter de différentes façons : Beckett, certes, développe sa pensée au sujet des tableaux de ces artistes qui lui font beaucoup de sensations, mais de cette façon il peut également exposer sa propre vision de l'art en défendant les mêmes convictions, les mêmes techniques, les mêmes centres d'intérêt, et de fait les mêmes buts.

    « On ne fait que commencer à déconner sur les frères Van Velde. J’ouvre la série. C’est un honneur. »

    C'est très impressionnant de découvrir un Beckett avec un peu de raison — c'est si rare ! — et plein de réflexions. Le tout marche aussi bien que d'habitude, ce qui me donne vraiment envie de lire son essai sur Proust. Je suis très curieux de voir comment il aborde la chose, comment il la maîtrise. C'est évident, qu'il la maîtrise, mais comment s'y prend-il pour réfléchir tout en conservant son style tout à fait particulier ? Le monde et le pantalon et Peintres de l'empêchement (ce dernier texte étant un rapide substitut du premier, une brève dissertation, si on veut, sur celui-ci) sont beaucoup plus accessibles que le reste de ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant, sans pour autant que les lignes perdent de leur habituelle saveur. L'étendue de la culture de ce monsieur m'étonnera toujours...

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :