• Colette — Julie de Carneilhan

    Julie de Carneilhan


             

    Titre : Julie de Carneilhan

    Auteure : Sidonie-Gabrielle Colette

    Première parution : 1982

    Édition lue : Folio

    SYNOPSIS

     « Aristocrate déchue et vieillissante, Julie de Carneilhan vit dans un meublé, mais sa brosse à cheveux porte toujours son blason et l'odeur de la meute est accrochée à ses vêtements rapés. Sa faiblesse est d'aimer toujours son second mari, Herbert, remarié avec une femme riche. Une crise cardiaque terrasse Herbert. Il appelle Julie, elle accourt. Quand elle comprend qu'il prépare encore une fois une manœuvre sordide, elle s'en retourne, cavalière toujours fière, vers sa terre natale. »

     

    Encore une beauté sur mots illustrée par la très grande Colette... Une douce histoire, lente, dans les banalités, dans les coutumes, au cœur d'une noblesse archétypale, d'un mode de vie que l'on retrouve encore aujourd'hui, lui-même lent, lui-même doux, doucereux même, si on passe le terme ; c'est en somme la description d'une vie. Celle d'une femme qui prend soin d'elle, un tantinet manipulatrice, ego-centrée. Son entourage est ici un jouet perpétuel dont elle se lasse quand bon lui semble, qu'elle empoigne de nouveau quand bon lui semble, à qui elle parle avec la voix qui lui semble appropriée, dont les manières qu'il incombe de prendre à sa présence revient de sa seule opinion.

    « Je veux manger... je veux manger du fromage blanc et de la raie au beurre noir, parce que le noir et blanc fait très habillé. »

    J'ai retrouvé ce parfum distillé dont j'aurai tant parlé à propos de La retraite sentimentale, peut-être légèrement moins prononcé. On peut raisonnablement supposer que Colette était encore assez tatillonne quant à son style, qu'elle était du reste au commencement de son ascension des lettres. Il y a davantage de dialogues, de passages exilés, de fragments un peu exotiques et décalés que je n'avais supposé dans cette plume, qui sont particuliers mais toujours si agréables à lire. Et puis il y a cette magie inextricable qu'elle a de raconter du réel, du vide presque, si je puis dire, avec une telle volupté, une telle passion, une telle force... Un mauvais tour des historiettes de cœur qui se retournerait contre le lecture ? Quel délice !

    « C'est curieux, pensait Julie, qu'Herbert n'ait jamais su parler à un secrétaire, ou à un subalterne sur un ton naturel. L'autorité des Espivant est comme leur titre, un peu neuve. Saint-Simon les a vus essuyer leurs plâtres, et Viel-Castel les charrie... »

    Des histoires au téléphone, on ne sait pas qui va rendre visite à qui, pourquoi, comment, qui est amoureux de qui, qui est marié à qui (ce qui fait toute une différence), on sait que quelqu'un souffre, on essaye de nager dans cette affluence de noms, de lieux, de desseins, et l'on finit par se résigner : quelle importance ? Ce qui compte, c'est le parfum — encore, toujours le parfum ! Des manigances, des rêves, des réalités, des mondanités, beaucoup de mondanités. Les querelles des classes aisées qui se tirent les cheveux pour des amants en trop ou de l'argent éparpillé inconsidérément. Il y a une tristesse, une certaine tristesse. Une monotonie, je dirais. Que l'on peut deviner, étroitement distinguer dans cet amas de sentiments.

    « Elle le regardait avec un reste de bonté, et fredonnait pour ne pas lui répondre : "C'est si triste parce que tu n'es pas fait pour y être avec moi, et que rien ne t'y est destiné. Tu n'es fait ni pour boire, ni pour dîner avec une femme qui ne t'aime pas, qui vient de loin, qui reste loin même quand tu la serres contre toi. Tu es bâti pour dîner en famille, pour être gai quand c'est samedi, pour te donner des airs de distancer ton père que tu es juste capable de suivre, et même de respecter. Moi aussi, je trouve que c'est triste, d'être ici. »

    On a l'impression que la vie est un jeu. Tout est permis, toutes les issues restent ouvertes jusqu'à ce que le choix soit fait. Alors on repart à nos occupations, à nos rêves à nous, bien moins ambitieux sûrement, bien moins nobles — oh cela ! ce n'est pas si sûr... Des retrouvailles avec la déesse des amourettes dont je ne me lasserai jamais. Un roman d'amour du XXème. Avec poésies, légers retournements de situation, rejets, mensonges et trahisons. S'en délecter apparaît comme une urgence.

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :