• Lire aux cabinets


       

    Titre : Lire aux cabinets

    Auteur : Henry Miller

    Parution : 1952

    Édition lue : Folio

    SYNOPSIS

    « À tous ceux qui se plaignent de ne pas avoir le temps de lire, Henry Miller fait quelques suggestions pleines de bon sens : lisez dans les transports en commun ou, mieux encore, aux cabinets ! N'est-ce pas là un endroit calme où personne en vous dérangera ? Après tout, puisque nous sommes obligés d'y aller, pourquoi ne pas profiter au mieux du temps que nous y passons ? Pourtant, à bien y réfléchir, ce n'est peut-être pas une si bonne idée...
    Miller s'invite dans notre intimité et se livre à quelques réflexions désopilantes en mêlant souvenirs et anecdotes sur les cabinets... de lecture. »

     

    Ce livre contient en réalité deux essais : « Ils étaient vivants et ils m'ont parlé » ainsi que « Lire aux cabinets ». Il s'agit d'une critique chargée de souvenirs et à attraits religieux (fait étrange envisageant que Miller nous parle de cabinets et du « Seigneur », jugeant du reste les deux à égale importance, si je puis dire).

    « Un livre vit grâce à la recommandation passionnée qu’en fait un lecteur à un autre. »

    Une critique, oui, messieurs, mesdames, une critique. Celle de la lecture aux cabinets, et avec un sérieux ! Il semble, à la lecture, qu'il s'agisse de questions graves et chères à la littéraire. J'ai noté par ailleurs ce mépris, assez masqué puisque ne prenant que quelques pages — si ce n'est quelques lignes —, ce dégoût relativement exprès pour les petites lectures, ces impressions de basse recommandation — je cite — qu'il nomme : magasines, revues, mais aussi romans policiers, ce que je trouve d'autant plus dur à encaisser. Et un éloge, comme on pouvait s'y attendre, aux dévoreurs de livres en série, aux récidivistes, aux aventureux réguliers — Miller ne manque pas d'insister sur ce point.

    « Lire c'est toujours interpréter. »

    J'ai eu énormément de mal à rentrer dedans, à prendre au sérieux justement ces historiettes imbriquées, ces bouts fluets de raisonnements sans grand rapport. Je n'aime pas les lectures désordonnées. De plus, l'aspect religieux m'a gêné, étant favorable à la laïcité dans les écrits. Je ne suis pas sectaire : cette matière, cette prise de recul différente m'a intéressé ; au pire des cas, je n'en avais que pour une centaine de pages. Mais je n'ai pas accroché, je ne suis pas arrivé à rentrer dans le "bad-trip" de la lecture, celui qui finit dans les cabinets...

    « Un livre qui traîne sur un rayon, c'est autant de munitions perdues. »

    Un feu orange, donc, parce que j'ai quand même l'impression d'être passé à côté de quelque chose. (À ma défense, j'avais des révisions sur le feu !)

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  • L'élégance du hérisson


       

    Titre : L'élégance du hérisson

    Auteure : Muriel Barbery

    Parution : 2006

    Édition lue : Folio

    SYNOPSIS

    « Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.

    Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision: à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. »

     

    C'est un conte moderne, en quelque sorte. Une mine de critiques envoyées droit à la figure de la « grande bourgeoisie ». Une mine de culture. Une mine de philosophie. Une mine de petits riens qui font un tout. Et une histoire singulière.

    « Jour après jour, nous arpentons notre vie comme on arpente un couloir. »

    L'auteure a ce talent de nous emporter dans son récit ; chez moi, il n'a transparu qu'à certains passages. Je me suis souvent ennuyé en ayant l'impression d'ingurgiter des pages de réflexions — parfois tout bonnement inaccessibles tant elles ne sont que l'écho d'une pensée propre au narrateur —, d'élucubrations, des ralentis inconditionnés de l'action en cours, ce qui donne pour certaines quelques pages pour un grand changement ; pour d'autres une vingtaine pour une pensée sur la valeur de l'Art mêlé à l'existence. J'ai également eu l'impression que l'auteure tendait inlassablement à déballer son bagage culturel — force références philosophiques d'une part, bien qu'il n'y en ait pas tant que cela ; on comprend mieux après étude de son parcours personnel ; force références culturelles d'autre part, ce point me rendant moins obtus à la lecture —, ce qui m'a ennuyé. La latitude du récit couplée à son fond donne, en fin de compte, quelque chose d'exaspérant. Mais ce n'est que le fond.

    « Qu'est-ce qu'une aristocrate ? C'est une femme que la vulgarité n'atteint pas bien qu'elle en soit cernée. »

    Car en effet, l'histoire est d'une beauté incomparable. Ainsi a-t-on l'impression — conformément aux propos que j'ai tenus plus haut — qu'elle déborde d'action un temps ; puis qu'elle est plate, longue et peu entraînante un second temps. Certains passages sont anthologiques et m'ont fait du bien, un peu à la manière d'Élisabeth Barillé, mais sous une autre enveloppe charnelle (ou spirituelle, qu'en dire ?). Une chrysalide, quintessence de l'émotion, qui éclot au fil des lignes... entre deux citations pompeuses.

    « C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent. »

    J'ai beaucoup apprécié la fin. Elle m'a chamboulé ; je n'en dirai pas plus pour des raisons évidentes. C'est à ce moment-ci que j'ai voulu que l'histoire continue des centaines de pages encore ; alors j'ai posé le livre, je l'ai regardé un instant. Je me suis dit : "Tu es dans un pétrin monstre, tranché entre deux avis totalement différents." Et c'est toujours vrai. Je n'arrive pas à me décider.

    « Elle m'a pas reconnue !
    — C'est parce qu'elle ne vous a jamais vue. »

    À choisir entre les deux muses, je choisis Renée, sans hésiter. À la lecture de Paloma — la petite fille —, j'avais parfois de l'aversion. Un sentiment de condescendance — voulu ou non, toujours est-il qu'il ne m'invitait pas à l'apprécier — pullulait à travers son propos. La fin venue, j'ai changé d'avis.

    « Les gens croient poursuivre les étoiles et ils finissent comme des poissons rouges dans un bocal. »

    Ce que je trouve dommage, c'est qu'à la lecture même du synopsis, on se prévoit mentalement l'inévitable : elles vont se rencontrer, elles vont se lier d'amitié. Je pense que vous ne tomberez pas des nues si je vous dis que c'est ce qui se passe. J'ai trouvé ce moment trop court. Beaucoup trop court. Cela m'a relativement dérangé, notamment à la fin dans laquelle elles paraissent être de grandes amies alors qu'elles se connaissent depuis quelques jours tout au plus.

    « L'éternité, cet invisible que nous regardons. »

    En définitive, je comprends le succès qu'a connu l'œuvre, mais je ne l'approuve pas complètement. Je suis partagé entre l'envie de suivre ce que le récit suppose et celle de prendre du recul en me disant : "C'est pompeux, quand même." (Mes élucubrations à moi ne se trouvent pas être de la même ampleur métaphysique.) J'ai lu des critiques et ai été surpris de constater que ce sont la représentation exacte des deux écoles de lecture de cet ouvrage. La première ("5/5") est émerveillée, bouleversée comme j'ai pu l'être ; la seconde ("1/5" — voire moins) défend la cause d'une œuvre contrefaite de culture mal placée, d'une histoire trop courte, comme j'ai pu la défendre. Et pourtant, je réfléchis. Pourquoi toujours suivre la majorité ? Pourquoi s'émerveiller comme les autres, alors que quelque chose cloche ? Et pourquoi s'indigner d'un trop-plein de références culturelles, cinématographiques à philosophiques, avec un agréable détour par l'Existence et son chemin, alors que c'est là le sujet premier du roman ? Comment bâtir de tels mots sans en tenir les fondations les plus essentielles, évidentes ?

    Et ma réflexion n'avance guère.

    N'hésite donc pas à me dire ce que tu en as pensé, toi. Cela me ferait très plaisir d'en discuter.

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  • Bien le bonjour !

    Comme vous l'avez peut-être constaté si vous êtes perspicace, je suis un peu (beaucoup) en retard sur mes lectures. En fait, l'Élégance du hérisson de Muriel Barbery me prend du temps. Il faut que je me pose, que je lise lentement (on ne dira pas, de surcroît, que la promptitude ne fait pas partie de mes attributs premiers). Il y a des livres comme ça. J'ai également eu une semaine chargée ; je le finirai dans le weekend, et enchaînerai je pense sur le Henry Miller que j'aurai dévoré peu après.

    Petit tour en librairie pour y chercher des accroches : aujourd'hui, j'ai été particulièrement enchaîné, il faut le dire.

    Du Vargas avec Debout les morts. Ce sera ma seconde lecture sous l'édition Viviane Hamy, on se rappelle tous la première qui ne fut pas des plus concluantes...

    Heinrich Steinfest, un auteur allemand que je ne connaissais pas, avec Requins d'eau douce. La couverture m'a captivé, on la voit bien du reste sur la photo. Un policier, pour une fois !

    Umberto Eco, Confessions d'un jeune romancier.

    Un Marguerite Duras bien maigrichon — non moins envoûtant — : Yann Andréa Steiner.

    Et pour finir, Bernard Werber, Nos amis les humains. Je ne lui connaissais pas ces talents de dialoguiste, une lecture qui s'annonce fort agréable.

    Missnefer, si tu vois cet article : limité dans le temps, je me suis précipité dans le magasin avec une tonne d'autres choses à faire. Je n'ai pas pu encore noter ce que tu m'as conseillé, mais les deux ouvrages dont tu m'as parlé seront, si j'arrive à me les procurer, une priorité absolue. Promis, promis, promis !

    Et toi, tu vas lire quoi, dis ? Partage-nous tes lectures du moment si tu l'oses !

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  • La lecture, une entrave à la créativité ?

    En tant que lecteur et auteur — quoique médiocre —, je souhaitais faire partager mon point de vue sur la question, ayant récemment lu des propos tranchés. Le locuteur s'exprimait en ces termes : "la lecture est un encombrement de l'esprit pour l'écrivain". J'ai été assez choqué de lire la suite, dans laquelle le monsieur expliquait qu'il ne faut rien lire quand on ose écrire.

    Est-il sensé de stopper toute forme de lecture, pour quelque cause que ce soit ? Je ressens en effet un enrayement à ce phénomène textuel — que je ne m'explique pas — après avoir lu. Une sorte d'enchaînement, d'entrave, de prison. Je prends l'air, pense à autre chose, et les barreaux se tordent : me voilà libre à nouveau de créer par moi-même.

    Admettons que, prosaïquement, l'écrivain est bel et bien attaché par les mots qu'il lit au point de ne plus pouvoir en produire. Quelle option adopter ? Que sacrifier, sur quel autel ? Et surtout : à quel prix ? Il faut un modèle à tout, et il me semble que le fondement-même de la création réside en son besoin imminent de s'identifier à d'autres, afin de mieux s'en démarquer. Plus particulièrement au sujet de la production, un mot, je l'admets, bien laid pour définir la condition d'écrivain. Avouons-nous que la production est à l'origine de la création. La culture, elle aussi, est à mon sens essentielle pour produire. Beaucoup d'ailleurs glissent d'habiles références dans leurs œuvres. 

    Et toi, qu'en penses-tu ? Devrait-on arrêter de lire quand on écrit ? Modérer ses accès de lecteur ? Se jeter d'un pont, dis ?

     

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  • Petit éloge du sensible


       

    Titre : Petit éloge du sensible

    Auteure : Élisabeth Barillé

    Parution : Septembre 2008

    Édition lue : Folio

    SYNOPSIS

    « Je choisis ce qu'il y a en moi d'essentiel, d'infini et de non monnayable. Je choisis de cultiver l'esprit de finesse, les émotions délicates, les sensations patiemment tamisées, sachant que si la faim du corps, tout impérieuse soit-elle, a ses impasses, celle de l'esprit, elle, s'accorde à l'illimité, tout comme les nourritures dont il se rassasie : l'offrande ultime d'une rose de novembre, l'âcreté sensuelle d'un feu de cheminée, le nuancier d'un ciel normand, l'ivresse du baiser qu'on n'attendait plus.
    Je choisis l'ordre sensible contre la tyrannie sclérosante des ambitions. »

     

    Le livre fait partie de la série Petit éloge de Folio dont je vous aurais volontiers partagé la liste si leur site fonctionnait... Il ne fait même pas partie des Œuvres admises de Wikipédia de l'auteure, que je lis pour la première fois.

    « Je choisis l’ordre sensible contre la tyrannie sclérosante des ambitions. »

    C'est une sorte d'essai romancé, avec un certain nombre de chapitres, sans grand rapport et aux titres alléchants, il faut le dire. Les mots, l'écriture m'ont fait beaucoup de bien, davantage par la poésie et la phonétique qui s'en dégagent que par le fond. Cette idée de sensible se retrouve à l'intérieur même du livre : tout est écrit avec pour plume une forme de beauté extatique ; une gigantesque bouffée d'air, une terrifiante ébriété textuelle. Pour cela, je le recommande fortement à tous les mélancoliques : il saura je pense vous vivifier un tantinet.

    « Tout art est solitude. »

    On nous parle d'écriture, on nous parle d'amour, on nous parle de vie, on nous parle d'identité, on nous parle d'art, on nous parle de mort, on nous parle de femmes. Un joli nuancier de sujets, tant il y a à dire sur le sensible en cent pages... Un repas frugal des fébriles magnificences, donc !

    « Être libre, c'est s'affranchir des biens tarifés, des plaisirs négociables, c'est réduire sa consommation, réduire ses besoins, aiguiser ses émotions. »

    Nombre de fois, j'ai été amené à penser que l'ouvrage était uniquement destiné à un public féminin. C'est une bévue que j'assume, bien qu'elle puisse effectivement être qualifiée de condescendante ou de discriminatoire. Pourquoi ? Parce qu'on nous dit ouvertement que le livre est destiné à tous, parce que le sensible est en chacun de nous ; et d'un autre côté, tous les personnages sont des femmes et certains passages semblent ne s'adresser qu'à celles-ci, sinon parce que c'en est le but, au moins parce que les autres n'y comprennent rien.

    « Le matin, j'entends les oiseaux ; le soir le silence.
    J'entends aussi des fantômes. J'écris sous leur dictée.
    Écrire, pour moi, c'est vivre en paix parmi les ombres. »

    J'ai été très mitigé à la lecture, et ce pour une seconde raison : l'auteure semble se battre contre l'obscénité tout en l'introduisant très clairement au fil de ses lignes. Certains passages vont assez loin, me semble-t-il, exploitant peut-être le côté humain, clairement lié au domaine de la fébrilité sensible... Il n'empêche que c'est la femme qui est à l'épicentre de ce séisme de lettres. Je pourrais parler plus précisément de chapitres tels Femmes, on vous ment !. Peut-être faut-il y voir une allusion : la femme est le temple du sensible, et l'homme ne fait qu'y prier. Je précise que je ne fais qu'interpréter, rien n'est clair... et pourtant tout l'est.

    « Écrire, c'est résister sans cesse. Écrire, c'est exister contre. »

    C'est prosaïque et métaphorique en même temps, j'ai vraiment adoré. Mais il manquait quelque chose à ma lecture haute en couleurs, et je ne saurais dire quoi. Peut-être un peu plus de matière. Peut-être un peu plus d'éclectisme, pour le coup. De même, le cas de la narratrice est aussi généralisé, prétendant s'identifier aux autres, j'aurais pu en être gêné, entravé dans mon périple. Toujours est-il que c'était un grand moment, je me rappellerai longtemps de cette bouffée de vie. Dans mon être, c'est chose rare, il faut le savoir. Un phénomène que seuls les livres peuvent encenser. Petit éloge du sensible en fait, à mon sens, désormais partie, et pour moi, c'est une œuvre à part entière d'Élisabeth Barillé.

    Et toi, tu vas le lire, dis ? Lis, tu verras !

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